Marius Von Mayenburg
Frédéric Bélier-Garcia
du 04/12/2013 au 05/01/2014
Théâtre du Rond-Point,
Paris
Toujours aussi présent sur les scènes françaises, Marius Von Mayenburg revient au Théâtre du Rond-Point, dans la même salle Jean Tardieu dans laquelle on avait vu, il y a trois saisons, Le Chien, la Nuit et le Couteau, exercice peu réussi d’une forme de divagation anticipatrice. Retour à un environnement plus familier avec Perplexe puisque la pièce met aux prises deux couples dans un intérieur de classe moyenne, mais cet ordonnancement a priori très classique (le théâtre de boulevard n’est pas loin) va vite se trouver chamboulé, l’un des couples semblant ne pas savoir ce que l’autre fait là. Au bout de quelques scènes, une rupture survient, les comédiens glissent doucement vers un autre personnage (l’un passe de mari à fils, l’autre de femme à jeune fille au pair) et interprètent alors une autre situation.
Décontenancé au début, le public se prend au jeu (aidé en cela par quelques béquilles scénographiques : changement de costumes, variations lumineuses, bruits des poissons dans l’aquarium), se demandant à chaque fois qu’elle va être le prochain retournement. Si cette forme d’écriture s’avère peut-être un peu trop mécanique, avec cette succession de scènes parfois trop prévisible (dans le dernier tiers, le texte opère un retour, attendu, vers les situations du début) et certaines longueurs, elle joue habilement sur les rebondissements et interroge, en creux, sur la nature du spectacle vivant. À ce titre, un final travaillant la mise en abyme (destruction du décor, bris du quatrième mur, échanges des comédiens autour de la figure du metteur en scène) rejoint adroitement des tirades précédentes relatives au mythe de la caverne platonicienne.
Mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia (venant à la suite de deux autres créations de Perplexe, intervenues également en 2013), la pièce est amenée par celui-ci vers le burlesque, s’appuyant notamment sur des acteurs rompus au genre et immédiatement identifiés comme tels par le public (à peine Valérie Bonneton est-elle entrée sur le plateau que plusieurs personnes s’esclaffaient déjà, le souvenir de ses prestations télévisuelles remontant probablement). Cette dernière, comme Samir Guesmi, montrent ainsi tout leur savoir-faire tandis qu’on goûta particulièrement la prestation de Christophe Paou (celui qui jouait le rôle-titre de l’inquiétant séducteur dans L’Inconnu du Lac), aussi à l’aise en tenue traditionnelle qu’en déguisement d’élan (moment où il lance à Samir Guesmi une réplique appelée à devenir culte : « Oublie ta femme/Donne-toi à l’élan »). Par rapport au texte originel, on se doute que la lecture qu’en fait Bélier-Garcia est possiblement trop absurde et pas suffisamment fine ou psychologisante, mais l’ensemble s’apprécie assurément avec un véritable plaisir.
le 31/12/2013