Joris Mathieu
Joris Mathieu
du 07/12/2016 au 11/12/2016
Grande Halle de la Villette,
Paris
La figure de l’hikikomori, reclus dans sa chambre et entouré de ses ordinateurs et mangas, est devenue récurrente dans les magazines, films et même sur les plateaux de théâtre. On avait ainsi assisté, il y a plusieurs saisons, au spectacle Le Grenier, mise en scène française d’un texte japonais attaché à ce phénomène de société. C’est à présent au tour de Joris Mathieu d’y consacrer une création dont la forte spécificité est de se présenter comme une expérience invitant au partage avec ses voisins de fauteuil. En effet, chacun se voit attribuer un casque en entrant dans la salle, afin d’entendre l’une des trois versions de l’histoire : soit celle du fils, Nils, enfermé donc dans sa chambre, soit celle du père, soit celle de la mère. Sur le plateau, les parents apparaissent, arpentant un long couloir menant à la chambre de Nils ou bien évoluant dans une petite cage de scène pourvue d’un écran de projection qui permet de faire ressurgir des souvenirs de leur enfant.
Comme on pouvait s’y attendre, le récit se fait apparemment, et pour ce que nos échanges postérieurs ont pu mettre au jour, très différent d’une narration à l’autre. Au-delà de la classique question du point de vue du locuteur, c’est ce récit lui-même qui diverge puisque le père se fait davantage révolté d’une part, que les parents veulent donc pénétrer la psyché de leur fils d’autre part, etc… Même des scènes familiales anodines diffèrent puisque, dans un témoignage, la mère pianote des textos sur son téléphone alors que, dans un autre, elle lit les journaux en format papier (alors que la comédienne fait les mêmes gestes sur le plateau). Ce travail sur la polysémie se fait toutefois au détriment d’une certaine tenue du récit puisque certains fils ne s’avèrent pas suffisamment suivis : aucune explication de la réclusion de Nils, la recréation des souvenirs passe de manière éphémère, etc…
En parallèle, certains moments de jeu, pendant lesquelles les voix se taisent, sont trop dilatés comme ces passations de plateaux-repas par une trappe située en bas de la porte de la chambre de Nils. En outre, certains passages sont silencieux dans une version de la narration et parlés dans une autre, ce qui génère une forme de frustration lorsqu’on échange avec son voisin, donnant, au total, envie d’une plus grande consistance avec, pourquoi pas, plusieurs voix dans le même casque. Ce casque, au reste, qui devrait nous rapprocher de l’histoire (proximité de la voix, sensation d’être isolé avec le locuteur) agit en réalité comme un filtre, voire comme un filtre supplémentaire, venant s’ajouter à l’écran, aux projections et à la présence en hologramme de Nils. Enfin, ce dernier se trouve interprété par un comédien plus âgé que le personnage, avec une voix plus âgée également et un discours (hormis à la fin où apparaissent quelques expressions comme « en mode warrior » ou « perso, je… ») trop bien structuré et trop réflexif sur sa propre condition d’ado pour être effectivement son œuvre.
En définitive, Hikikomori fait assurément montre de plusieurs qualités techniques et plastiques mais ces bonnes intentions se trouvent mal concrétisées. Comme dans Cosmos (cette adaptation du roman de Gombrowicz par ce même Joris Mathieu), on apprécia alors certains tableaux et instantanés mais une certaine forme de mise à distance empêcha une pleine adhésion au spectacle.
Autres dates :
– 5 et 6 janvier 2017 : Espaces Pluriels – Pau
– 12 janvier 2017 : Théâtre – Aurillac
– du 17 au 20 janvier 2017 : Théâtre De L’union – Limoges
– du 24 au 27 janvier 2017 : Espace Malraux - Chambéry
– 2 et 3 février 2017 : Espace Lino Ventura – Garges–Les-Gonesse
– du 7 au 10 février 2017 : Quai – Angers
– du 2 au 4 mars 2017 : Théâtre - Saint-Quentin- En-Yvelines
– 9 mars 2017 : Préau - Vire
le 11/12/2016