Simon Starling : Catherine, Masahiko, Rex et les Autres

Passionné par la fabrication, le processus créatif et les techniques de réalisation, Simon Starling peut aussi bien se concentrer sur des mécanismes contemporains que se consacrer à des matériaux et sources plus anciennes, quasi-archéologiques (à l’échelle de notre époque), allant chercher ce qui peut apparaître comme des vestiges. C’est ainsi que, pour son exposition au Plateau, le Britannique convoque des feuilles d’or, photographies sur plaque d’argent, tapisseries, presses d’imprimerie, cartes perforées, pellicules 35mm, pianos pneumatiques ou encore les premiers ordinateurs.

Recursive Plates (After Eugene Atget)

(courtesy de l’artiste)

Allant récupérer ces outils et réactiver ces techniques, Simon Starling les superpose pour faire naître, de ces rencontres et dialogues, des créations mettant en lumière ces procédés : F As In Foglia lui permet de recouvrir une sérigraphie de morceaux de feuilles d’or, Recursive Plates (After Eugene Atget) le voit prendre en photographie un cliché sur plaque d’argent d’Atget et Talking, Computing l’amène à réaliser en tapisserie une reproduction d’une pellicule 35mm. Á chaque fois, un effet de mise en abyme s’installe, mettant en majesté une méthode un peu obsolète ou jouant sur les effets plastiques que provoquent cette superposition et leur inscription dans l’espace d’exposition. La très grande tapisserie vient ainsi guider le visiteur et la plaque d’argent lui permet de se voir en partie (ou de voir les autres œuvres, si on se met de biais), de la même manière qu’on aperçoit le reflet d’Atget dans le cliché original.

Half A4 (Or King And Queen)

(courtesy de l’artiste et Galerie neugerriemschneider, Berlin)

Ce dialogue entre les époques, les machines et les techniques se double, au surplus, de plusieurs effets miroirs au sein même du parcours : la tapisserie est dédoublée, les œuvres se réfléchissent entre elles et une presse d’imprimerie est découpée en deux dans la longueur comme s’il s’agissait de l’ausculter (Half A4 (Or King And Queen)). Ne se plaçant jamais dans la nostalgie, Starling opte ainsi plutôt pour une forme de rétrofuturisme un peu fasciné ou admiratif de la permanence de ces techniques légèrement désuètes. Dès l’entrée de l’exposition, au reste, on se trouve accueilli par l’escargot de Sesame Street (autre madeleine !) dont la voix française nous rappelle que l’espace du Plateau était, autrefois, celui des studios d’enregistrement de la Société Française de Production (Ernest, R2D2, Trépido (Parler Aux Humains)).

Si notre description ou la lecture du journal d’exposition peut laisser craindre quelque chose de cérébral, le résultat s’avère donc, à l’image de cette première vidéo, tout à fait accessible et probant, bel exemple de réactivation et de relecture contemporaines d’outils et techniques passés.

François Bousquet
le 08/07/2019