du 16/05/2025 au 19/07/2025
Fondation d’entreprise Ricard,
Paris
Avec Férocité à Domicile, voici le retour des intitulés en oxymore de la Fondation Ricard. Destinée à documenter la figure maternelle, cette exposition fait le choix, par sa commissaire Oriane Durand, d’assumer qu’une mère n’est pas que nourricière ou aimante, dans le droit fil des productions de bell hooks ou Chantal Akerman. Précisément, le dossier de presse du film News Form Home réalisé en 1976 par cette dernière se trouve présenté dans une vitrine, avec son synopsis relatant la lecture de lettres de la mère de la cinéaste, envoyées depuis Bruxelles à celle qui était partie vivre à New-York.
La distance ainsi mise entre enfant et mère se retrouve dans le papier peint Mama told me not to come de Rosemarie Trockel avec cette scène d’intérieur des années 70, où l’enfant au premier plan, assis dans un fauteuil club, est net alors que la mère, à l’arrière-plan, reste dans le flou. Pour autant, elle ne peut s’empêcher de fixer l’appareil-photo, dans une forme de contrôle et de mainmise qui contraste avec l’apparente douceur de la composition et de ses nimbés vaporeux. Même ambivalence dans les peintures de Sebastian Wiegand, plus réalistes, mais dans des intérieurs à la temporalité voisine (avec couleurs orange et marron caractéristiques), dans lesquelles la volonté de retracer les luttes politiques de l’époque paraît laisser le pas à une forme de lassitude, ou d’épuisement, de la mère, affalée sur un sofa et exténuée.
L’intérieur est, par ailleurs, directement représenté, réactivé même, par Tolia Astakhishvili et Cudelice Brazelton IV, avec respectivement des pièces façon débarras, strictement délimitées au bout du parcours de l’exposition, et une table en bois associée à un large tissu pendant du plafond, histoire de renvoyer encore la mère à l’aliénante fonction ménagère.
Cette volonté d’associer corps domestique et corps politique rejoint une forme de recherche d’idéal qu’exploite Harilay Rabenjamina quand l’artiste questionne sa mère dans une vidéo, autour de la rhinoplastie réalisé par sa sœur, et vers laquelle semble se diriger également la mère, afin d’obtenir un « nez de Blanche » et répondre aux diktats sociétaux. Debout sur sa barque, la mère de Rosa Joly fixe l’objectif, guidant son embarcation dans une série de petits clichés qui la montre à la fois sûre d’elle mais un peu lointaine, bon résumé de l’ensemble de cette exposition.
le 11/07/2025