Blue Lake

En rendant compte du récent concert de Michael A. Muller, on s’est replongé dans les souvenirs de Balmorhea, par la réécoute de leurs premiers albums ou la mémoire de leurs prestations scéniques. Un certain vide est alors apparu puisque ce que le groupe étatsunien pouvait proposer à l’époque n’a plus forcément d’équivalent, dès lors que caroline, parfois présenté comme évoluant dans le même registre (entre folk orchestré et post-rock), évolue dans des contrées légèrement plus expérimentales. Et puis, voici qu’arrive The Animal, sixième album de Blue Lake, le troisième sur Tonal Union (maison décidément de qualité, dont il convient certainement d’écouter toutes les sorties), disque qui vient combler un peu ce manque.

Après des longs-formats donnés en solitaire, Jason Dungan a fait appel à sept autres musiciens pour livrer ces quarante-cinq minutes, suite d’instrumentaux très savoureux, opérant avec cordes, vents et percussions diverses. Quelques mesures de cithare en boucle, une clarinette qui apporte de la chaleur, une batterie qui entraîne et des cordes qui permettent de lier l’ensemble : voici le genre de schéma que le Danois et ses comparses peuvent servir (Cut Paper). Plus généralement, il s’agit donc de proposer des morceaux de quatre à cinq minutes environ, souvent fondés sur une première approche individuelle (guitare acoustique, cithare, jouées en finger-picking par Dungan) primesautière, vite rejointe par le reste de la troupe, dans une forme de cavalcade maîtrisée.

La rechercher mélodique n’est pas nécessairement toujours aussi présente sur les dix morceaux de l’album (publié dans des vinyles orange, bleu ou noir), mais cette volonté de marier réminiscences americana et envolées presque free (quand tout le monde joue en même temps, à la fin de Strand, par exemple) demeure en permanence. Une voix féminine peut offrir quelques vocalises (sur le morceau-titre), une clarinette basse trouve un peu plus d’espace pour livrer des notes graves (Vertical Hold), quelques notes de piano affleurent (Seeds) et c’est ainsi que, chacun son tour, tous les membres de ce mini-orchestre trouvent une juste place et qu’on se dit que Blue Lake a rudement bien fait d’élargir ainsi son spectre.

François Bousquet
le 30/10/2025