25/10/2025
Cube Garges,
Garges-lès-Gonesse
Pour ce qui sera possiblement la seule date de la Biennale Némo 2025 à laquelle nous assisterons, direction Le Cube Garges, équipement culturel entièrement rénové il y a deux ans, disposant de plusieurs espaces (salle de cinéma, hall d’exposition, salles de répétition, médiathèque, deux salles de spectacle), à la programmation assez variée, mais plutôt raccord pour accueillir le festival des arts numériques (plusieurs créations visuelles et plastiques, agissant dans ce champ, y étaient exposées). Comme toujours avec les concerts programmés par la Biennale, il s’agit de conjuguer audio et vidéo, et de faire une large place aux « nouvelles images » (collages, mix entre images issues d’internet et captations réelles, transformations visuelles, etc…).
La venue de Noémi Büchi, avec sa proposition qui porte le même titre que son excellent album du printemps 2024 (Does It Still Matter), convenait donc impeccablement, et nous permettait d’assister à la première francilienne de cette musicienne hautement appréciée. Chargée d’ouvrir la soirée, la jeune femme se posta derrière sa table, avec ses machines et ordinateurs, derrière un immense écran chargé de diffuser le film qu’elle présente de ville en ville. Dans des plans fixes, on y voit d’abord Joséphine de Weck de face, cadrée en plan américain, tourner doucement la tête, se malaxer le visage et faire quelques mouvements de bras. Puis, son corps se liquéfie, générant des fluides visqueux ou une sorte de pâte à modeler liquide.
Un peu dérangeante par endroits, notamment quand le corps flasque se reconstitue, la vidéo se trouvait bien accompagnée par les morceaux envoyés par Noémi Büchi, au long d’un set électronique qui fit la part (trop) belle aux morceaux arythmiques, sortes de longues transitions entre de rares pistes dans lesquelles on retrouva ses habituelles rythmiques concassées. Il en résulta un ensemble, probablement trop long, moins maximaliste et qui travaillait davantage sur l’étirement des sons, très bien accordé, sur ce point, avec le film. Quelques coups percussifs pointèrent, comme de rares notes de clavecin digitalisé (autre signature de la Suissesse), les premiers étant habilement associés à des coupes franches dans le montage vidéo. Habillée tout en noir, la musicienne parut moins engager son corps que lors du premier concert qu’on vit d’elle, laissant cela à la danseuse sur l’écran. En revanche, la sensation immersive était toujours aussi impressionnante, avec ces flashes stroboscopiques, en direction du public, en rythme avec les pulsations qui ponctuaient les titres joués : saccades, secousses puis répit.
Au-delà d’un goût commun pour l’interaction entre visuel et musique (Gabriele Ottino, membre de SPIME.IM, a réalisé le film projeté derrière Noémi Büchi), le collectif italien et la musicienne suisse partagent le même label (-ous, structure dévolue aux formes électroniques expérimentales). Le plateau de ce samedi soir était donc marqué par une cohérence certaine, et permit de livrer deux propositions très denses, les Italiens prenant place sur scène après une vingtaine de minutes d’entracte. Cependant, à la différence du premier set, il nous fut difficile de nous concentrer sur la musique, face à l’accumulation d’images diffusées sur l’écran. Intégralement réalisé en IA, le film, dans un montage ultra-rapide, proche du clignotement, empila images d’actualité, logos de marques, mèmes internet et autres visuels trouvés sur la toile. Jouant sur la pixellisation ou la diffraction de ces sources, le collectif turinois tenta d’y accoler des visées politiques mais, comme souvent, il s’agissait, dans le contexte de ce soir, de prêcher des convertis : dénonciation des agissements de Trump, Meloni, Netanyahu ou Musk, de la dictature des marques ou encore de la situation des Gazaouis. Comme on peinait à se concentrer sur la musique (une électronique massive et martelée), refusant de fermer les yeux, la prestation usa et lassa en même temps.
le 27/10/2025