Pointe Du Lac

L’impression mitigée laissée par leur concert au Festival Variations 2023 ne nous avait pas dissuadés de suivre Pointe Du Lac, trio découvert à cette occasion. Si, sur la scène des Ateliers de Bitche, les Français rencontrèrent quelques difficultés techniques, on avait déjà saisi les potentialités de cette formation qui, une petite dizaine d’années après ses débuts comme un projet du seul Julien Lheuillier, était devenu un vrai groupe à trois, avec l’entrée du batteur Richard Francès et du saxophoniste Quentin Rollet.

Pour ce troisième album au titre plutôt intriguant, les Franciliens renforcent le caractère krautrock aperçu à Nantes, par l’entremise d’une batterie métronomique et de mélodies circulaires de synthé. Le schéma peut, ainsi, se décliner sur près de dix minutes (Haménania Manania), dans un format assez prenant bien qu’un peu prévisible, heureusement perturbé par l’entrée, dans le dernier tiers, du saxophone de Quentin Rollet, capable de profiter de la belle piste d’envol préparée par ses deux compères pour offrir des divagations aériennes et free. Plus loin, c’est un texte écrit et lu par Kumi Okamoto qui peut se déployer sur cette base kraut (Anglatha Digitale).

Quand la batterie de Richard Francès se tait, n’intervient plus que par bribes ou se teinte d’électronique, on se situe dans quelque chose de beaucoup plus rêveur, avec montées chromatiques de clavier en soutien de lignes de saxophone dotées d’écho (Crossota Millsae), ou avec de nombreuses modulations d’effets (Nanomia Cara, Cyanea Capillata). À la différence du concert précité, pendant lequel on avait pu s’interroger sur la manière dont Quentin Rollet était intégré au duo préexistant, le fait que, sur disque, il n’intervienne pas franchement sur chaque piste s’avère beaucoup plus pertinent, apportant variété et renouvellement à l’album, jusqu’à son ultime morceau, dialogue entre arpèges astraux du clavier de Julien Lheuillier et mesures de saxophone allant chercher très haut dans les aigus.

François Bousquet
le 19/03/2024